L’inflation galope, la croissance mondiale marque le pas, les banques centrales relèvent leurs taux d’intérêt… De nombreux obstacles complexifient la situation. Christian Bito, professeur de finance à l’ESSEC et Vice-Président de Swiss Life Gestion Privée, analyse l’environnement économique et vous éclaire sur vos choix de placement dans cette période agitée.

La Banque mondiale vient de publier de sombres perspectives pour les mois à venir. L’inflation, qui se traduit par une augmentation générale et durable des prix, devient persistante. Elle franchit déjà la barre des deux chiffres (inflation dite "galopante") dans de nombreux pays, comme en Hollande (+12%) ou en Espagne (+10,5%). En Europe, elle grimpe de 9,8% en moyenne avec une hausse limitée en France, tandis qu’elle progresse de 8,3% aux Etats-Unis. 

Des pays émergents subissent aussi les effets de la baisse de leur devise qui surenchérit le coût des importations et passent en crise d’hyper inflation (Argentine +71%, Turquie +80%...). À ce niveau, la valse des étiquettes devient monnaie courante, l’inflation risque de s’auto-entretenir dans une spirale comme durant les années 1970. 

Le problème est sérieux car la hausse des prix est la résultante de plusieurs facteurs :

  • Une crise de l’offre :  à la suite des sanctions en réponse au conflit en Ukraine, et des mauvaises conditions climatiques, les prix de l’énergie et des matières agricoles se sont envolés. Le choc pétrolier de 1973 ou celui de 1979 avaient vu les prix du baril multiplié par 4. Aujourd’hui, le baril de Brent a enregistré au plus haut en juin une progression de 500%. L’offre a subi aussi les effets du Covid sur les chaînes d’approvisionnement, notamment en provenance d’Asie. Les mesures de confinement encore déployées cette année en Chine ont touché tous les secteurs, pesant sur les délais et donc les coûts des intrants [1]. 
  • Une crise de la demande : la formidable croissance économique post-Covid de 2021 explique une demande encore élevée qui tire les prix vers le haut. Les politiques de "quoi qu’il en coute" financées par les injections de liquidités des banques centrales ont dopé la croissance : +7 % l’année dernière en France, ce qui explique la force de la demande.

Or, l’inflation va entraîner un ralentissement de l’activité. L’érosion monétaire à ce niveau pèse sur les velléités de consommation et d’investissement. Quand le prix de l’essence dépasse 2 euros le litre, nous constatons que les ménages hésitent à prendre leur voiture, à partir en week-end… Pour maintenir un niveau d’activité équivalent, il faudrait alors pouvoir emprunter pour consommer plus. 

Mais les banques centrales ont décidé de freiner le crédit et la demande en élevant leurs taux. La Banque centrale européenne (BCE) vient de monter ses taux de 0,75 % tout comme la Réserve fédérale américaine (FED) qui a porté les siens à 3,25 %. La Banque mondiale va jusqu’à prévoir une croissance globale qui
basculerait de +3 % en 2022 à -1 %. 

L’environnement s’est donc dégradé pour l’ensemble des actifs financiers pénalisés par la hausse des taux et le ralentissement de la croissance. La baisse des Bourses depuis le début de l’année reflète déjà ces différents éléments. Cependant, bien que les semaines à venir s'annoncent encore volatiles, les niveaux atteints peuvent constituer des points d’entrée intéressants dans le cadre de la gestion à moyen-long terme
de votre épargne. 

En effet, les banques centrales remontent progressivement leurs taux et finiront par changer leur politique avant des récessions aussi fortes que celles de 1981 ou 1983, au fur et à mesure des problèmes comme ceux du secteur de la construction et de l’immobilier aux Etats-Unis. Elles le feront lorsque l’inflation commencera à fléchir. 

Quelques éléments permettent de penser que le pic n’est peut-être plus aussi loin, contrairement à ce qu’a laissé entendre Bruno Le Maire, ministre de l’Économie :         

  • L’inflation "core PCE", indice des prix des dépenses des ménages hors énergie et alimentaire très regardé par la FED, est revenu de 5,3 % à 4,6 % ;
  • Les prix du baril de pétrole sont repassés sous la barre des 100 dollars ;
  • Le coût des transports internationaux baisse  ;
  • Enfin, les hausses de salaires, facteur clé pour l’enclenchement d’une spirale salaire-prix, semblent encore contenues aux Etats-Unis.

[1] Dans le langage économique, un intrant est un élément entrant dans un processus de production.

Comment réagir ?

Dans ce contexte volatile, la prudence ne consiste pas forcément à ne rien faire. En d’autres termes, il peut être judicieux d’opérer quelques arbitrages dans les portefeuilles. Ainsi, diversifier les solutions d’investissement devrait permettre d’amortir ces chocs économiques : il peut s’avérer pertinent de privilégier les actions internationales contre  l’affaiblissement de l’euro, de se renforcer sur les secteurs de l’énergie ou sur le secteur bancaire qui pourra profiter de la hausse des taux… 

Surtout, si nous revenons à la source des problèmes d’inflation début 2022, la guerre en Ukraine, une résolution pacifique changerait radicalement la tendance. 

Vous avez des questions ? Votre conseiller Swiss Life est à votre disposition pour y répondre.