Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire à la réforme des retraites, remet son rapport au Premier ministre. Après 18 mois de concertations, ses préconisations sur le futur système universel des retraites étaient très étendues; elles serviront de support à une seconde phase d’arbitrages gouvernementaux.

Un régime universel en points

Conformément à l’engagement du candidat Macron, le futur régime de retraite passera d’un système «en annuités» à un système en points. Il fusionnera les 42 régimes de retraite actuels en un régime universel ou chaque euro cotisé donnera les mêmes droits à retraite. Il met donc fin aux anciens calculs qui tenaient compte des 25 meilleures années de salaires ou des 6 derniers mois de traitements.

Le système conserverait son fonctionnement par répartition avec un financement des retraites par les actifs.

Qui est concerné par le régime universel?

Avec une possible entrée en vigueur en 2025, il concernera les générations nées à partir de 1963.

Tous les salariés, fonctionnaires, travailleurs indépendants, agriculteurs et régimes spéciaux sont concernés. Ces derniers seront fondus dans le régime universel, selon une convergence variable.

Une concertation spécifique sera menée afin de définir le détail de cette transition, dont il est proposé que la durée soit de l’ordre de 15 ans.

Un taux de cotisation retraite à 28,12 % pour tous

Le taux de cotisation retraite dans le nouveau régime serait de 28,12 %, partagé entre l’employeur (60 %) et le salarié (40 %) pour les salariés et fonctionnaires. Il se décompose en deux taux distincts:

  • Un taux de 25,31 % qui génère des droits à la retraite et qui s’applique sur les salaires de 0 à 120 000 €
  • Un taux de 2,81 % qui ne génère aucun droit et qui correspond à une cotisation déplafonnée et non-contributive

Au-delà de 120 000 €, seule la cotisation déplafonnée continue de s’appliquer.

Tranche de rémunérationsPart salarialePart patronaleTotal                                                                                                 28,12 %
Entre 0 et 120 000 €            11,25 €        16,87 %
                                                                                                (25,31 % + 2,81 %)
Au-delà de 120 000 €           1,12 %         1,69 %               2,81 %
À NOTER

100 % des primes des fonctionnaires seront intégrées.
Pour les indépendants, le rapport propose un taux de cotisation à 28,12 % jusqu’à 40 000 € de revenus par an, et de 12,94 % pour les 80 000 € suivants, soit jusqu'à 120 000 € par an. Ces taux représentent une hausse par rapport à leur contribution actuelle, c’est pourquoi ils seront compensés par une baisse de la CSG, sans coût supplémentaire.

Tranche de                 Taux de cotisation                 Taux de cotisation                 Taux de cotisation 
rémunérations          plafonnée                               déplafonnée                           globale
0 à 40 000 €              25,31 %                                   2,81 %                                     28,12 %
40 000 € à 120 000  10,13 %                                   2,81 %                                     12,94 %
Au-delà de 120 000 €                                               2,81 %                                     2,81 %

L’ambition du système Delevoye est également d’opérer une convergence progressive des barèmes de cotisations retraite des professions libérales vers un barème unique. Les caisses des libéraux sont invitées à être parties prenantes de cette transition via la définition de plans de convergence vers le système universel.

Calcul des pensions et valeur du point

Contre le versement de cotisations retraite, le travailleur accumulera des points qui seront stockés sur un compte unique. La valeur accordée au point de retraite déterminera le montant de la pension.

Le système voulu par Jean-Paul Delevoye prévoit que 10 € cotisés donne 1 point de retraite avec un taux de rendement à 5,5 % (pour 100 € cotisés un retraité percevra 5,5 euros par an).

La valeur du point servant au calcul de la retraite serait donc fixée à 0,55 € au démarrage du système universel. Jean-Paul Delevoye a précisé qu’elle ne pourra pas baisser dans le temps.

EXEMPLE: sur un salaire de 2 200 € brut

Un salarié acquiert des droits à retraite uniquement sur la cotisation plafonnée au taux de 25,31 %.

Ainsi sur un salaire de 2 200 €, le montant de sa cotisation retraite (part patronale et salariale) s’élèvera à 556,82 € (2 200 X 25,31 %) par mois.

Si 10 € de cotisation donne un point, 556,82 € de cotisation donnera environ 56 points par mois, soit 672 points par an.

Sur 43 années de carrière, le salarié accumulera donc 28 896 points (672 X 43).

Si le rendement du futur régime est de 5,5 % et que le salarié part à la retraite avec un taux plein, sa pension s’élèvera à 15 893 € (28 896 X 0,55) par an, soit 1 324 € par mois.

Par ailleurs, le Haut-commissaire plaide pour une revalorisation des pensions de retraite sur les salaires et non sur l’inflation.

Revalorisation des petites pensions
Conformément à l'annonce du Président de la République le 25 avril dernier, ce système porte le minimum de retraite à 85 % du SMIC net, soit 1 000 €, contre 81 % pour les salariés et 75 % pour les agriculteurs actuellement.

Pour les micro-entrepreneurs, le rapport propose de supprimer la cotisation minimale du régime simplifié de la micro-entreprise pour mettre en place une option afin d’acquérir une garantie minimale de points chaque année.

Mise en place d’un âge «pivot» à 64 ans
L'âge légal de départ restera fixé à 62 ans. Toutefois dans le but d’inciter les Français à continuer de travailler au-delà, le Haut-commissaire préconise l'instauration d'un âge «d'équilibre» à 64 ans «collectif», au taux plein. Un assuré partant à la retraite entre 62 et 64 ans subira une décote de 5 % sur la valeur de ses points par année d’écart. Au-delà de cet âge pivot, une surcote, de 5 % par année supplémentaire, viendra majorer le montant de la pension.

Cet âge d’équilibre évoluera en fonction de l’espérance de vie.

EXEMPLE: calcul d’une décote dans le nouveau système

Un salarié a cotisé sur la base d’un salaire égal à 1,5 SMIC, il a acquis 30 000 points.

S’il part en retraite à l’âge du taux plein (64 ans), le rendement qui s’applique à sa pension est de 5,5 %. Sa retraite sera donc de 16 500 € par an, soit 1 375 € par mois.

S’il part 1 an avant l’âge du taux plein, sa pension subit une décote de 5 %. Le montant de sa retraite sera alors de 1 306 € par mois (16 500 X 95 % / 12).

S’il part 2 ans avant l’âge du taux plein, sa pension subit une décote de 10 % (2 fois 5 %). Le montant de sa retraite sera alors de 1 237 € par mois. (16 500 X 90 % / 12)

EXEMPLE: calcul d’une surcote dans le nouveau système

Pour le même salarié qui a acquis 16 500 € par an de retraite au taux plein.

S’il choisit de continuer à travailler un an de plus, une surcote de 5 % s’applique au calcul de sa pension qui passe alors à 1 444 € par mois (16 500 X 105 % / 12)

S’il choisit de travailler 2 ans après l’âge du taux plein, une surcote de 10 % s’applique au calcul de sa pension qui passe alors à 1 512 € (16 500 € X 110 % / 12)

Âge légal et métiers spécifiques
Dans le système Delevoye, l’âge légal de 62 ans s’appliquera de façon identique entre salariés du public et du privé pour un métier similaire. Ainsi, les départs anticipés des régimes spéciaux et de la Fonction publique, notamment ceux des emplois classés en «catégorie active», seront progressivement fermés.

Néanmoins, le système universel conservera les départs anticipés à 60 ans pour les assurés ayant effectué une carrière longue.

La pénibilité sera également prise en compte avec la possibilité de partir avant 62 ans à la retraite. Le compte professionnel de prévention, qui permet d’acquérir jusqu’à 2 années de départ anticipé à la suite de l’exposition à un risque professionnel, sera étendu aux fonctionnaires et aux régimes spéciaux. Le départ anticipé pour incapacité permanente leur sera également étendu.

Enfin, des départs anticipés seront conservés pour les militaires et les fonctionnaires ayant des fonctions dangereuses dans le cadre de missions régaliennes (policiers, douaniers, etc.). L’engagement des militaires dans le cadre de certaines opérations sera valorisé par des points supplémentaires.

Réversion: 70 % du total des revenus perçus par le couple
Le système de pension de réversion est conservé avec pour seule règle le maintien à 70 % des pensions constatées du couple avant le décès du conjoint afin d'assurer le maintien du niveau de vie du conjoint survivant.

EXEMPLE: Pour un couple percevant 2 850 € par mois, revenus cumulés

Marc perçoit un revenu de 1 000 € et Annie perçoit un revenu de 1 850 €.

Si Annie décède, Marc pourra bénéficier de 70 % de 2 850 € au titre de la réversion, soit 1 145 €.

Ils viendront s’ajouter à son revenu élevant ainsi ses ressources à 1 000 + 1 145 = 2 145 € par mois

Les droits des ex-conjoints seront fermés pour les divorces qui interviendront après l’entrée en vigueur du système universel. Il appartiendra en effet aux juges des affaires familiales d’intégrer la question des droits à retraite dans les divorces, en particulier dans le cadre des prestations compensatoires qui pourront être majorées.

Majorations pour enfants
Le rapport prévoit une majoration de 5 % par enfant, dès le premier enfant, contre 10 % pour les parents de 3 enfants et plus actuellement. Cette majoration des points pourra être partagée entre les deux parents, à défaut elle sera accordée à la mère.

Des points de retraite seront également accordés lors des périodes de maladie ou de chômage.

Gouvernance du futur système de retraite
Pour gérer ce futur système de retraite, le rapport envisage la création d’une caisse nationale de retraite universelle, créée dès l’adoption de la loi. Cet établissement public aura une double mission: préparer la mise en place du système universel et assurer l’unification de la gouvernance et du pilotage des régimes de retraite actuels.

La caisse nationale sera ensuite chargée de la gestion opérationnelle du système.

La gouvernance de cette caisse pourrait être gérée par un conseil d’administration composé de 26 administrateurs: 13 représentants des assurés désignés par les organisations syndicales et 13 représentants des employeurs désignés par les organisations professionnelles représentatives.

Encadré par le Parlement et le gouvernement, ce conseil pourra se prononcer sur les leviers tels que la détermination de l’évolution des retraites, de la revalorisation de la valeur du point, de l’évolution de l’âge du taux plein, des taux de cotisations et de l’utilisation des réserves financières.

Toutefois, le pilotage du système universel de retraite sera défini dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale par le gouvernement. Le conseil d’administration pourra donner son avis sur les choix de l’Exécutif et formuler des modifications, mais c’est le gouvernement qui décidera des suites qu’il entend donner à ces propositions.

Calendrier de la réforme
Les discussions vont se poursuivre avec les organisations patronales et syndicales, notamment sur la pénibilité ou la valeur du point.

Le projet de loi sera présenté en fin d’année en Conseil des ministres et devant le Parlement au printemps 2020 sans que l’on sache si cela sera avant ou après les Élections municipales.

Source Prévissima - 18/07/2019